LAMIA BEDIOUI & The desert fish, Athamra, lamiabedioui.com
Nous aimons beaucoup les artistes qui se jouent des frontières et des langues, non pas parce que c’est la mode, mais parce qu’ILS SE SENTENT CHEZ EUX DANS CES LANGUES ET CES MUSIQUES.
Et c’est exactement le sentiment que l’on a à l’écoute de ce CD d’une artiste inconnue à nous jusqu’à ce jour, disque qui nous arrive, tel un cadeau, par la poste, en provenance de Grèce, orné d’une multitude jolis timbres colorés…
Lamia Bedioui est une chanteuse et conteuse tunisienne installée en Grèce depuis 1992, auteur-compositeur formée aux conservatoires de Tunis et d’Athènes, qui parle couramment grec bien entendu. Elle chante ici dans cette langue, mais elle nous offre aussi, dans ce disque « Athamra » (« Le fruit » en tunisien), des chansons, traditionnelles ou anciennes, venues de presque toute la Méditerranée : Sicile, Espagne, Algérie, Maroc, Asie Mineure, France… et bien sûr Tunisie.
Le disque s’ouvre avec « El Mar », court poème chanté en espagnol, et se poursuit avec – nous ne résistons pas au plaisir de les lister ! :
– un chant traditionnel napolitain, chanté en napolitain ;
– « Aala srir ennom », chanson tunisienne des années 20, qu’interpréta en ce temps la célèbre Habiba Msika ;
– une vieille chanson marseillaise qui parle d’une femme qui n’arrive pas… à tuer son vieux et riche mari !
– une chanson traditionnelle de Sicile, qui parle de pirates venus de la mer qui ont « volé notre vie, pris nos belles oranges dorées » : douce métaphore pour parler des violences et viols subis par tous les peuples lorsqu’ils sont envahis par des ennemis, comme le furent souvent les Siciliens au cours des siècles, par les Normands, les Arabes, les Turcs…;
– « Ya ‘albi », chanson populaire d’Algérie ;
– « Gerineldo », chanson sepharade qui raconte l’histoire d’un Roi furieux de trouver sa fille au lit avec son amoureux, et qui décide, plutôt que de tuer l’un, ou l’autre, ou les deux, et de le regretter toute sa vie… de les marier, sage décision dont auraient rêvé des millions de jeunes filles autour de la Méditerranée – et pas que – au cours des siècles et des millénaires passés ;
– et j’en passe.
Ecouter la version originale de «Sur le lit il m’a cajolée », par Habiba Msika :
Un petit bémol cependant : Lamia en fait parfois un peu trop, avec ses effets de voix, nous agaçant parfois franchement. Les mélopées orientales – ces longues modulations de la voix sur une seule syllabe, qui firent la réputation d’Oum Kalthoum – demandent : une maîtrise vocale exceptionnelle, sinon rien !