Nous voilà dans le monde du rêve, avec le dernier album du Hadouk Trio, trio de jazz unique dans le paysage musical français, “Voie du Milieu entre résonances ethniques et consonances jazz, entre jubilation et méditation”, comme ils se définissent. Car le trio associe trois musiciens passionnés de voyages et de découvertes musicales, Loy Ehrlich, Didier Malherbe et Steve Shehan, qui ont adopté les instruments des pays les plus divers avec la même aisance que d’autres portent un foulard indien.
Le premier album de Hadouk – qui était encore un duo, avant que le percussionniste Steve Shehan ne les rejoigne – donnait ainsi à entendre quelque 25 instruments – et on n’a pas le chiffre exact pour ce dernier album ! Hadouk est le mariage de deux mots: Hajouj, la guitare basse des gnawas, instrument-fétiche d’Ehrlich, qui est passionné de ces musiques (il est le programmateur du Festival de musiques gnawa d’Essaouira); et Doudouk, qui est le hautbois arménien adopté par Malherbe – qui a eu le privilège de se produire au Festival de Doudouk en Arménie. Steve Shehan leur a apporté ses percussions de bois, de métal, de peau ou de terre cuite, glanées du monde entier, plus quelques-unes de son invention! Si bien qu’à trois ils nous font entendre la kora, le ukulélé, le khen qui est un étonnant orgue à bouche du Laos long d’un mètre (sur scène c’est impressionnant!), le sax soprano, les claviers électroniques, les ocarinas qui sont des instruments à vent en forme de poire qui sont vieux de 12.000 ans, et autres instruments de tailles et de sonorités diverses, faits de mille matériaux…
“Air Hadouk” porte bien son nom car il s’agit bien d’un voyage aérien, tout en douceur, auquel on est convié ici, pour des ambiances jazzy très sereines, le genre de musique qui nous fait du bien, comme de goûter l’ombre tiède d’un baobab par une après-midi de chaleur, ou de boire un verre d’eau fraîche quand on est assoifé: rien de sensationnel ni de superflu ici, la philosophie est celle des gens et des peuples aux côtés desquels nos trois artistes-rêveurs ont vécu longtemps, et dont ils se sont imprégné – avec une affection marquée pour les déserts et les terres frustes, du Sahara ou d’Arménie: authenticité, parler peu mais dire l’essentiel, ne pas être excessif ni dans ses joies ni dans ses peines – sagesses ancestrales et universelles.
On passe ainsi de rythmes ondulés et calmes d’Afrique à des musiques insaisissables tels des papillons (“Babbalanja”), on entend une douce percussion de métal inventée par Steve Shehan dont le son évoque de l’eau claire (“Hang around me”), le piano s’introduit pour rappeler que le jazz est toujours là (“Hang2hang”), et ainsi de suite, pour un voyage, comme un long voyage en train, où les paysages défilent, nous plongeant dans des univers différents, mais toujours en douceur… Un album qui procure détente et apaisement, comme certains paysages vécus en voyage…